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8 juin 2005

Québec : de la démission de Bernard Landry

drapeau_du_qu_bec  b_landry

Après la démission surprise de Bernard Landry de son poste de président du Parti Québécois et de sa charge de député à l'Assemblée nationale du Québec dimanche dernier, le géologue Marcel Sauvé, ancien conseiller du fondateur du PQ, René Lesvesque, livre ici son regard sur l'avenir de son pays cadenassé dans " l'Empire canadian ". 

Sources:  http://www.voxlatina.com/

Le départ précipité de Bernard Landry provoque des commentaires qui font tourner l'ensemble en rond au détriment de l'essentiel. Le contexte a radicalement changé au Québec, au Canada et dans toute l'Amérique du Nord. Le temps des aternoiements est passé. Il faut maintenant prévoir ce qui est en train d'arriver.

En stratégie d'Etat, il existe un axiome peu connu : l'adversité est nécessaire aux peuples, aux nations et aux Etats, tout comme elle est nécessaire au progrès de la vie en général. Ce qui veut dire que l'ennemi est nécessaire puisqu'il oblige les peuples à prendre conscience et à agir, à ce point que, si l'ennemi n'existait pas il faudrait l'inventer. C'est ce que font les Etats-Unis lorsqu'ils s'inventent des ennemis en " isme " et provoquent des interventions qu'ils s'évertuent à justifier par la suite.

Inversement l'absence d'adversité provoque l'inertie et l' entropie qui font tomber les empires de l'intérieur. Les ennemis s'amènent pour ramasser les dépouilles. L'implosion avait déjà eu lieu. Les hordes barbares n'envahissent les empires qu'en état de décadence. Le barbare est un primitif qui s'avance dans le vide des pouvoirs en train d'imploser. L'invasion qui détruit les empires commence par l'intérieur. Les interventions en provenance de l'extérieur surviennent ensuite. Il est important pour nous d'en prendre conscience afin d'éviter ce qui est arrivé aux Irlandais et aux Finlandais au moment de leur indépendance nationale respective aux lendemains de la Première guere mondiale.

Dans les deux cas, l'arrivée soudaine et innatendue de l'indépendance, souhaitée et voulue depuis longtemps, survenue lorsque personne ou presque ne s'y attendait, s'est soldée par d'atroces guerres civiles. Ces désordres sont venues du fait que l'indépendance innatendue à povoquée des peurs, des angoisses et de l'énervement chez des populations peu confiantes dans leur capacité de se gouverner elles-mêmes. Il aura presque fallut un siècle à la Finlande et à l'Irlande pour se rétablir et mener une vie normale comme celle qui convient à un peuple doté de son propre Etat national et naturel. L'Irlande et la Finlande actuelles jouissent de niveaux de vie qui compte parmi les plus élevés au monde, comme peuvent le faire des Etats de taille optimale.

Au Québec à partir de 1976 , alors qu'il était évident que le Parti Québécois avait le vent dans les voiles, le PQ se trouva soudainement envahi par des convertis de la dernière heure qui ont provoqués des doutes et des désordres. Deux facteurs étaient en cause à ce moment là : l'incapacité du Parti Libéral du Québec sous Robert Bourassa de s'imposer devant Ottawa, et, la distribution des sièges devant la carte électorale. C'était au moment où je quittais l'armée et m'était impliqué dans Taillon, comté de René Lesvesque, qui comptait la base militaire de Saint-Hubert.

Aux élections précédentes, celles de 1973, le PLQ avait remporté 105 sièges avec seulement 41 % des voix et le Parti Québecois seulement 5sièges avec au moins 32 % des voix. Des intellectuels, des statisticiens et des politologues de tous poils avaient prédit " qu'il faudrait alors que le PQ obtienne plus de 72 % des voix pour n'obtenir que vingt ou vingt-deux sièges à l'Assemblée nationale ". Les ennemis du Parti en faisaient des gorges chaudes. Compte tenu de la carte électorale, cependant il était évident qu'avec une augmentation de 9 % seulement du nombre de voix, le PQ pouvait récolter une majorité de sièges, la carte électorale étant une arme à double tranchant.

Or, dès les débuts de novembre 1976, ces 9 % de vote supplémentaire au Parti Québécois semblaient bien être acquis. D'après mes propres calculs, j'en était arrivé à la conclusion que, advenant une élection générale, le Parti Québécois pouvait récolter jusqu'à 68 sièges. Le 15 novembre suivant, le Parti Québécois a bel est bien reçu les 41 % attendus et remportait 71 sièges, au grand désarroi des ennemis du Québec.

Militant de la première heure, je n'était pas le seul à avoir prévu cette victoire électorale. D'autres l'avaient prévu et il arriva ce qui devait arriver. Peu de temps avant l'élection, le Parti se trouva soudainement gratifié de nombreux nouveaux membres venus de je ne sais trop où, des gens agressifs qui venaient expliquer aux vieux militants leur ligne de conduite. Les barbares entraient dans le parti. Il y eut des dissensions et des disputes. Il était évident que le parti avait été noyauté par des agences et aussi des individus qui sentaient que le pouvoir allait soudainement changer de mains. Je me suis toujours méfié de ces " convertis " de la dernière heure et les événements qui ont suivis ont prouvés que je n'avait pas tort.

Un phénomène analogue et d'une bien plus grande ampleur est en train de se produire maintenant. Cette fois c'est tout le Canada qui est menacé d'implosion. Le scandale des Commandites n'en est pas une cause, seulement un incident déclencheur. D'autres événements moins spectaculaires se sont mis en place depuis longtemps. Depuis au moins quarante ans le gouvernement centralisateur, unitaire et arbitraire d'Ottawa ne représente plus au Canada anglais ce qu'il représentait.

Les provinces ne sont plus que des provinces sur le papier. Nous ne sommes plus en 1840 alors que l'Empire britannique pouvait appuyer par la force les tentatives des orangistes pour unifier l'espace continental canadien autour du Chemin de Fer. Le pouvoir est complétement dans ses communications et sans le chemin de fer, le gouvernement fédéral à Ottawa ne serait jamais venu au monde.

Sans Ottawa, les provinces auraient continuées à se développer comme l'ont fait les Etats scandinaves, d'une manière qui convient à des régions périphériques par rapport aux grands centres de gravité continentaux situés loin plus au sud, sans aucunes poussées de la part d'un gouvernement centralisateur, unitaire et peu nécessaire.

Malgré les efforts centralisateurs des Orangemen , les provinces se sont développées et ont pris de l'applomb jusqu'à tendre vers une économie politique et économique de plus en plus grande. Ce n'est donc pas d'hier qu'elles ont commencées à se questionner sur la pertinance d'un Etat centralisateur et unitaire au Canada. Il ne s'agit pas d'idéologie mais d'intérêts, de rapports de forces et surtout d'effectivité, dont la nécessité dans les conditions actuelles de mieux concentrer l'effort et d'atteindre les objectifs avec une économie de moyens.

Si l'Etat naturel et optimal du Québec a surgi avant les autres, c'est parce qu'il a progressé à l'intérieur de conditions géographiques et humaines spécifiques expliquées dans Géopolitique et avenir du Québec ( Guérin, 1994 ). Un Etat comporte cinq dimensions principales, soit : un territoire, une histoire ( ou période formative ) , un savoir ( ou conscience et compétences collectives ) un pouvoir ( d'agir avec envergure ) et un vouloir, ou volonté collective d'agir d'un seul tenant pour le plus grand bien de tous et de chacun. Le Québec est déjà tout cela à la fois, sauf que sa détermination de se prendre en charge demeure faible. Habitués à se laisser dicter leur ligne de conduite, les Québécois n'ont pas le sens de l'Etat.

Dans l'échiquier des rapports de forces au Canada, le Parti Libéral du Canada demeure ce qu'il a toujours été : le brandon politique de l'oligarchie de Bay Street, déterminée comme au débuts d'inféoder les provinces à ses intérêts. Le Parti Libéral du Québec sert la même cause. Qu'il soit nécessaire de mettre cette oligarchie au pas et de la soumettre à la loi du bien général et maintenant compris par de plus en plus de monde, tant au Québec qu'au Canada anglais. Dans de telles conditions, les partis traditionnels n'ont plus d'avenir.

Le Parti Québécois se trouve donc placé dans des conditions plus que gagnantes, mais n'a pas la compétence nécessaire pour agir. Cette situation est dangereuse. En quittant, Bernard Landry a pris la seule décision qui convienne. Il a senti le potentiel de chaos qui est en train d'envahir le PQ. Le vide de pouvoirs qui vient de commencer peut se prolonger pendant plusieurs décennies. C'est ce que prouve l'expérience des autres, dont nous devons nous instruire. C'est le temps de serrer les coudes. Le pouvoir et l'indépendance sont maintenant à portée de main, dangereusement car nous ne sommes pas prêts à nous prendre en charge comme Etat. Les discours ne servent a rien. Le temps d'agir est arrivé. Que Bernard Landry soit lui-même en faute ou non n'a aucune importance.

Ottawa est appelée à tomber comme autrefois Kalmar, l'ancienne capitale de l'Union Scandinave. Ottawa tombera comme est tombée Bruxelles, capitale d'un pays qui n'existe presque plus. Aux lendemains de la Première guerre mondiale, la chute de l'Empire Austro-hongrois a réduit la ville de Vienne à sa plus simple expression, celle d'une capitale d'Etat-nation et non d'un empire. La chute récente de l'ex-Yougoslavie a réduit Belgrade au statut de capitale de la Serbie. La chute de l'URSS a réduit l'empire soviétique, construit sur l'empire des Tsars, à la dimension d'un seul pays : la Russie et sa capitale nationale Moscou. La chute de l'Empire britannique a réduit Londres au rang d'une capitale post-impériale. Avec la reconnaissance de la l'Ecosse, du Pays de Galles et de toute l'Irlande aux statuts d'Etats reconnus, Londres ne sera plus alors que la capitale de l'Angleterre. Et si le nord de l'Angleterre décide de se constituer en Etat, Londres ne deviendra qu'une capitale régionale, une Cité Etat, analogue par certains égards à d'autres cités Etats, dont Singapour.

Le monde est en train de se transformer en milieux de plus en plus contrastés et différenciés. C'est la réalité qui oppose les lois naturelles aux efforts des multinationales pour inféoder toute la Terre à leurs intérêts. Leur pouvoir sur le monde ne durera qu'un temps. Ottawa, capitale post-impériale artificielle ne correspond à aucun centre de gravité naturel. La perte de son rôle de capitale du Canada ne peut que réduire cette ville au niveau d'un chef-lieu régional. Ses habitants doivent entreprendre dès maintenant de trouver de nouvelles activités pour leur ville. Quant à forcer les provinces à se soumettre au gouvernement centralisateur et unitaire pour permettre à Ottawa de survivre, mieux vaut ne pas y penser. Le temps des interventions armées est passé et toute tentative de s'imposer par la force ne fera qu'aggraver la situation précaire de cette fausse capitale.

Mieux vaut se préparer à ce qui s'en vient. Le Canada a existé avant Ottawa. Le Canada va exister après Ottawa. Voilà où nous en sommes. Rien ne sert d'avoir peur. Ce n'est pas du déterminisme comme le pensent certains philosophes pour qui toute la réalité se résume à des idéologies en " isme ". C'est la radicalité du réel, son ipséité, sa sémelfactivité, sa royauté qui s'imposent au monde, non par arbitraire, mais par des lois naturelles. Ce n'est pas une question d'option politique. Le Québec doit se prendre en charge et se gouverner lui-même. La liberté ne prétend pas davantage.

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